Prescription

En dépit du long combat mené avec détermination, opiniâtreté, intelligence par Emmy Wybran et Maître Michèle Hirsch, son conseil, après 12 années de procédure fondée sur des dizaines de milliers de documents résultant de l’enquête des juges Daniel Fransen et Berta Bernardo-Mendez, le verdict définitif est tombé le 24 décembre 2020 : il n’y aura pas de procès pour rendre justice aux victimes de Belliraj. L’affaire est prescrite. Unique motif de satisfaction pour les parties civiles : le non-lieu demandé par le parquet fédéral pour absence de preuves et d’auteurs connus est rejeté par la Cour.

Maître Michèle Hirsch.

Jamais le docteur Joseph Wybran, n’aurait pu imaginer que sa destinée s’achèverait par le coup de feu d’un tueur froid, calculateur et opportuniste, au centre d’un réseau terroriste aux ramifications tentaculaires tissées sur un quart de siècle. Jamais sa famille, ses amis, ses collègues n’auraient cru possible la faillite de l’enquête et de la Justice. Certes, Belliraj a été condamné à la prison à vie mais le Roi Mohammed VI lui a accordé une grâce le 12 juillet 2022, en réduisant sa peine totale à 25 ans d’emprisonnement ! Incarcéré depuis 15 ans, il devrait sortir de prison au plus tard en 2032 … Quant à ses complices, couverts par la prescription, ils coulent des jours tranquilles en Belgique.

La prescription de l’affaire : une tache dans l’histoire de la Belgique.

La position du parquet concernant le non-lieu a été arrêtée très tôt. Le ton avait déjà été donné dans le rapport annuel 2008 de la Sûreté de l’Etat, mis en ligne en 2010. Dans la rubrique Terrorisme, la première section est consacrée à l’«Affaire Belliraj», laquelle est  synthétisée en 50 lignes disant en substance : « Belliraj avait attiré l’attention de la Sûreté de l’Etat dès le début des années 80 en tant que farouche opposant à Hassan II (ndla : le roi du Maroc à l’époque). La Sûreté de l’Etat n’avait pas connaissance du réseau Belliraj tel que présenté par les autorités marocaines. Toutefois, plusieurs de ses membres présumés nous étaient connus pour avoir gravité, dans les années 80 et 90, dans les milieux islamistes radicaux. Bien qu’elle ait eu vent de liens entre certains de ces individus, la Sûreté de l’Etat n’a cependant jamais été en possession d’éléments attestant leur implication commune dans une quelconque activité liée au terrorisme ou permettant d’établir un lien entre l’un d’eux et les six meurtres « belges » reprochés à ce réseau. Les éléments avancés par le Maroc n’ont donc pas permis de démontrer de manière indiscutable l’existence d’un réseau et l’implication de celui-ci dans six meurtres en Belgique. »

La Belgique n’a pas fait beaucoup d’efforts pour retrouver les coupables.

Dans la ligne de la Sûreté de l’Etat, le magistrat fédéral Michel Bernard requiert le non-lieu dans l’affaire Belliraj, dès le 10 décembre 2013 et ce jusqu’au dernier examen du dossier en chambre du conseil de Bruxelles

Dans son réquisitoire du 11 septembre 2019, reprenant les différentes dispositions de la Cour en faveur de la poursuite des enquêtes dans cette affaire et tirant son bilan, le magistrat Bernard Michel requiert :

« Qu’il plaise à la Cour, chambre des mises en accusation, la procédure ayant eu lieu à huis clos,

  • Déclarer n’y avoir lieu à poursuivre BELLIRAJ Abdelkader du chef des préventions retenues à sa charge
  • Dessaisir le juge d’instruction »
    Face à la menace d’un non-lieu, une large mobilisation s’est organisée à l’initiative de personnalités de la communauté juive. Une pétition, notamment a recueilli de très nombreuses signatures, prouvant la volonté de ne pas enterrer l’affaire. Parmi les initiatives, le grand écrivain Pierre Mertens avait rédigé une carte blanche parue dans le journal Le Soir du 6 octobre 2015, intitulée : « Affaire Wybran: un non-lieu constituerait un irresponsable manquement » que nous reproduisons dans le menu Documentation

En guise de conclusion, nous donnons la parole à chacun des intervenants qui ont contribué par leurs pertinents témoignages à agrémenter ce site en hommage à Jo Wybran.

C’est une blessure de la mémoire

Aucun débat n’a eu lieu , ni au Sénat ni à la Chambre

L’acolyte de Belliraj qui a commis l’assassinat est libre

Injustice, incompétence …

Il n’y a pas eu de procès public.

Sous la présidence de Maurice Sosnowski (2010 à 2014), le CCOJB s’était porté partie civile aux côtés d’Emmy Wybran-Sosnowski, représentés par Maître Michèle Hirsch. Au moment de l’assassinat de son beau-frère, il effectuait une recherche sur les opiacés pour sa thèse à l’Université de San Diego. A l’été 1989, Jo et Emmy lui avaient rendu visite aux Etats-Unis.  « Lorsque j’ai appris l’assassinat de Jo, j’ai pris un vol in extremis pour pouvoir assister à ses obsèques. En ma qualité de beau-frère et de médecin, j’ai été brièvement interrogé par la police. Quatre mois plus tard je suis revenu à Bruxelles et j’ai à nouveau été interrogé, longuement cette fois. Je peux dire que les inspecteurs avaient fait un remarquable travail et étaient très bien informés ».

Peu après les révélations de Belliraj, Maître Kennes, conseil de l’ULB, Maître Hirsch et Maître Lurquin, l’avocat de Belliraj ont demandé, ensemble, l’envoi d’une commission rogatoire au Maroc afin de rencontrer Belliraj en prison. « A notre grande surprise, le Procureur du roi s’y est opposé. Celui qui normalement ne se prononce pas, s’était prononcé. Le juge avait le droit de refuser ou d’accepter cet avis. Il l’a suivi. Mon sentiment est qu’ils savaient déjà, l’un et l’autre, que le Maroc n’allait pas accepter notre requête conjointe. Par la suite, Maître Hirsch et moi avons rendus visite à deux Ministres de la Justice, Jo Vandeurzen et son successeur Stefaan De Clerck. Nous avons été écoutés, mais il n’y a pas eu de suivi. Sans doute en raison de la séparation des pouvoirs Exécutif et Judiciaire. »