
L'assassinat
Cette section reprend pour une très large part les informations du dossier publié le 29 juin 2022 dans la revue K. les Juifs. L’Europe. Le XXIème siècle : https://k-larevue.com/retour-sur-laffaire-wybran/
L'attentat du 3 octobre
Il est aux environs de 18 heures ce mardi 3 octobre, le Docteur Joseph Wybran vient d’achever une dernière visite à ses patients et se dirige vers le parking de l’hôpital Erasme où il a garé son Audi gris métallisé. Une longue soirée l’attend. Il doit d’abord assister à la soirée inaugurale de l’Institut d’Etudes Juives Martin Buber, sur le campus de l’Université, puis rejoindre son domicile où son épouse Emmy a invité un de ses clients à dîner. Il s’apprête à s’installer au volant quand un individu l’abat d’une seule balle tirée dans la tête à bout portant. Il s’effondre sur le sol, dans une mare de sang. Les minutes s’écoulent avant qu’on vienne lui prêter secours et que les ambulanciers le transportent aux urgences de l’hôpital.
« Il y a un malade sur le parking de l’hôpital Erasme« . Le message arrive à la police municipale d’Anderlecht le mardi soir 3 octobre 1989 à 18h35. Deux flics s’y rendent. Ils ne voient rien d’anormal sur le parking du CHU de l’Université Libre de Bruxelles (ULB). Au poste de garde de l’hôpital, ils apprennent qu' »un médecin de l’hôpital a fait une malheureuse chute« . Les agents repartent bredouilles à 18h56.
Mais cinq minutes plus tard, à 19h01, la police reçoit un autre appel : la victime a apparemment une blessure par balle. Cela change les choses. Les officiers reviennent précipitamment, cette fois accompagnés d’un commissaire et de deux autres policiers. Là, on leur dit que la victime a été transportée en ambulance à l’hôpital peu après le premier appel.
Jacques Brotchi, chef du Service de neurochirurgie, encore dans son bureau, est appelé en catastrophe. Il raconte le déroulement des faits.
Jacques Heller a quitté depuis peu ses fonctions à la tête de la sécurité communautaire. Son ancien adjoint l’avertit par téléphone de l’attaque contre Joseph Wybran. Il se rend aussitôt à l’hôpital Erasme où Jacques Brotchi se prépare à opérer leur ami commun. Le neurochirurgien l’autorise à se mettre dans un coin de la salle d’opération. Jacques Heller se remémore cette longue soirée d’attente qui le bouleverse encore.
Emmy Wybran-Sosnovski, sa veuve, ne peut oublier cette soirée particulière au cours de laquelle son mari lui fut arraché. « Ce mardi 3 octobre 1989, je revenais du travail avec un client que j’avais invité à dîner à la maison où Jo devait nous rejoindre. En arrivant chez moi, la femme de ménage m’a dit qu’il fallait que j’appelle l’hôpital Érasme de toute urgence. J’ai pensé que mon mari avait eu un AVC, une crise cardiaque mais quand j’ai téléphoné, on m’a simplement répondu : « Écoute, Jo a eu un petit accident, ne t’inquiète pas, viens ». À mon arrivée, j’ai été accueillie par toute une brochette de médecins, chefs de service ; ils étaient sept ou huit. J’ai commencé à comprendre qu’il était arrivé quelque chose de grave. Le professeur Jacques Brotchi, ami de longue date, m’a prise par le bras et m’a conduite à son bureau. Il m’a posé des questions qui me laissèrent perplexe : « Est-ce que Jo avait reçu des menaces ? Par courrier ? Par téléphone ? A-t-il eu des altercations avec quelqu’un ? » Devant mon incompréhension et mes dénégations, il a ajouté : « Je suis obligé de te dire la vérité. Il a reçu une balle. Il est en état de mort clinique. » Je me suis emportée : « Il faut l’emmener aux États-Unis pour le soigner ! » Mais Jacques Brotchi a douché mes espoirs. Je suis restée avec lui de longues heures, il a été très humain, très doux. Il m’a prié d’aller me reposer et je suis rentrée à la maison. Deux heures plus tard, j’apprenais que mon mari était décédé. Je ne savais pas où j’étais. C’était irréel, un cauchemar ! Jamais je n’aurais pu imaginer qu’il puisse être victime d’un acte terroriste ».